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NAISSANCE DE L’INDUSTRIE GRENOBLOISE 

 

LES BOUCHAYER

Le chatelier jean

21 Mars 1924-7 Janvier 2019

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Jean Le Chatelier est décédé le 7 Janvier 2019 à l'âge de 95 ans.

Nous remercions Jean Le Chatelier pour ce texte qu'il a communiqué à l'ARSA en Novembre 2012.

Barre marsais

 

NAISSANCE DE L’INDUSTRIE GRENOBLOISE : LES BOUCHAYER

Texte de Jean Le Chatelier

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Portail d'entrée de l'usine Bouchayer Viallet Janvier 2013

Le premier Bouchayer répertorié dans la généalogie en ma possession est Pierre mort en 1672 et il faudra attendre huit générations pour trouver un Joseph Bouchayer qui descendra du plateau de la Matheysine pour se rendre à Grenoble  et qui, avec ses descendants, va jouer un rôle important dans le développement industriel de la région grenobloise à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Vous verrez également que d’une certaine façon, ils ont aussi jeté les prémices de la nouvelle révolution industrielle celle de la deuxième moitié du XXe siècle.

Auparavant je voudrais vous rappeler rapidement comment se présentait le paysage grenoblois aux environs de 1850.

Tout d’abord la ville de Grenoble va être reliée au réseau des voies ferrées.

La ganterie a occupé une grande place dans notre région dès le 17e siècle, elle procurait du travail à plus de 5 000 personnes vers 1850. C’est l’époque où Xavier Jouvin met au point un procédé de découpe mécanique des peaux. Les ouvriers coupeurs se réunissaient dans des ateliers, par contre les couturières et les brodeuses, pour la plupart, travaillaient à domicile dans les parties les plus reculées du pays.

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Le textile est présent à Vizille, à Voiron et à Rives, on comptait environ 12 000 ouvriers dont 3 000 tisseuses entre 1815 et 1840 nous disent Henri Morsel et jean-François Parent dans Les Industries grenobloises mais, par las suite l’activité a diminué et ces industries sont restées rurales, artisanales et très dispersées..

La métallurgie

Pour Jacques Chevalier, professeur à l’Université de Grenoble, la civilisation du fer s’est développé dans les massifs orientaux des Alpes jusqu’au XIIe siècle puis vint la civilisation de l’acier dont les chartreux furent les initiateurs à partir des minerais de la région d’Allevard mais on dénombrait également quelques centaines d’ouvriers dans la région de Rives.

L’industrie des chaux et ciments

A l’origine, Louis Vicat un ingénieur des Ponts et Chaussées, né en 1786, mort en 1861.

Il cherche comment réaliser de solides fondations à l’occasion de la construction d’un pont. Il analyse les chaux connues pour durcir dans l’eau et observe que si tous les éléments sont variables il y en a deux dont la présence est constante l’argile et le carbonate de chaux, il vient de découvrir le ciment artificiel qui est devenu à partir  de 1880 d’un emploi courant. Il s’agit d’un domaine dans lequel mon grand père, le chimiste Henry Le Chatelier a beaucoup travaillé en liaison avec Joseph Vicat mais aussi avec les ciments Lafarge dont il était devenu le conseiller officiel.

Le nom de Vicat est inscrit sur la tour Eiffel comme celui, d’ailleurs, de Le Chatelier.

De très nombreuses cimenteries vont se créer autour de Grenoble et le département de l’Isère deviendra pendant quelques temps le premier département pour les liants hydrauliques.

La papeterie

Je rappelle que c’est au IIe siècle avant notre ère qu’est né en Chine la fabrication du papier à partir du bois. Trois siècles plus tard c’est encore un chinois qui invente le procédé du papier dit de chiffe, à partir de chiffons. De leurs voyages, les arabes ramenèrent la technique au Moyen-Orient puis au XIe siècle elle apparut en Italie avant de traverser les Alpes. Bientôt la matière première du chiffon n’a plus suffit et on s’est tourné vers le bois ce qui fut un véritable retour aux sources.

Dès 1848, l’industrie de la papeterie prend son essor et dynamise l’ensemble du bassin grenoblois. L’opération de râpage du bois, ou défibrage, exige un volume important de matières premières et de l’énergie. Ces deux impératifs trouveront leur solution dans l’environnement naturel de Grenoble : le bois sera extrait des forêts alpines et l’énergie, issue de la puissance hydraulique des chutes d’eau.

C’est la papeterie  qui va donner naissance à une véritable révolution industrielle en Dauphiné. En effet après l’abandon progressif  du chiffon comme matière première, l’adoption de la pâte à bois, l’utilisation des chutes d’eau pour défibrer le bois, les papetiers vont faire appel à l’hydro-électricité.

Trois hommes se sont illustrés, à cette occasion, le premier est Amable Matussière qui avait déjà installé des défibreurs actionnés par des turbines aménagées sur le torrent du Domeynon. Il fait venir pour l’épauler Alfred Frédet. Ensemble ils installent une chute de 70 mètres de haut au dessus de Brignoud afin d’alimenter une nouvelle râperie.

Puis, lors d’une visite à l’Exposition universelle de Paris en 1867, Amable Matussière rencontre Aristide Bergès, dont les parents étaient papetiers dans les Pyrénées.

Il l’invite à venir à Domène pour assurer la mise en route de défibreurs et tous les trois vont découvrir tout le potentiel hydraulique de la région.

Ce sera la grande aventure de la Houille Blanche, terme imaginé par Aristide Bergès qui, dans une note de 1880 écrivait : « de la houille blanche, il n’y en a pas ce n’est qu’une métaphore, j’ai seulement voulu préciser que les glaciers de nos montagnes étaient une richesse aussi précieuse que la houille des profondeurs ».

Cette révolution aurait pu se limiter à la papeterie si un autre événement n’était pas intervenu à la même époque. C’est en 1883 que le Maire de Grenoble Edouard Rey a invité Marcel Deprez, un génial inventeur, à venir réaliser une première expérience du transport à distance de l’énergie électrique entre Jarrie et le centre de Grenoble.

Si je me suis étendu sur ce sujet c’est que le développement spectaculaire des centrales hydro-électriques va donner naissance à de puissants groupes industriels pour la production des conduites forcées, des turbines et des équipements électriques mais aussi au développement des industries chimiques, grandes consommatrices d’énergie électrique.

Ce fut la chance d’hommes comme les Bouchayer, les Viallet, les Perrin et bien d’autres descendus de la Matheysine cette région montagneuse où la vie est dure car le travail nécessite beaucoup d’énergie et de persévérance et ce sont ces qualités qui ont fait des matheysins des hommes et des femmes que rien n’arrête et qui vont jusqu’au bout de leurs projets.

Nicole Vatin-Pérignon , présidente de l’Académie Delphinale, a fait en 2008 un remarquable exposé sur ces hommes de la Matheysine que je vous invite à lire dans le numéro de décembre 2008 des Cahiers de l’Alpe.

Frise

 

 

Venons-en aux  Bouchayer

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La sortie des usines Bouchayer Viallet 1920

 

Gabriel mon lointain ancêtre est né en 1740, il était marchand cloutier au hameau d’Aveillans. Il a un fils Jacques qui, à 21 ans, contrôle déjà quatre forges, il est l’un des hommes les plus importants à la Motte d’Aveillans.

Son fils Pierre Bouchayer, né en 1808, est, lui aussi maître cloutier, il assume la responsabilité des forges mais la situation a complètement changé, les clous de St Etienne sont moins chers et concurrencent ceux de la Matheysine, or, il a eu dix sept enfants dont dix encore en vie et il faut les faire vivre.

En 1847, l’un de ses fils Joseph, âgé de 12 ans, sentant qu’on manquait de pain à la maison, résolut d’aller gagner sa vie à Grenoble et, sans avertir ses parents, partit à pied et fit les 35 kms, aidé, semble-t-il, par un charretier complaisant.

Il se présente chez un oncle, boulanger, et celui-ci le met à l’Ecole des Frères puis à l’école professionnelle du père Hauquelin. Tout en aidant, son oncle, il travaille le soir, étudiant à la lueur du four pour économiser les bougies.

Il entre en troisième, dernier de sa classe, il sortira au bout de trois ans premier de sa promotion. Le Père Hauquelin qui connaît tous les industriels et artisans de Grenoble confiera alors, le jeune Bouchayer à Hippolyte BOUVIER qui possède une petite entreprise de chaudronnerie. Joseph travaillera dans cette entreprise pendant 17 ans, et deviendra , même, le bras droit du patron et son homme de confiance.

A sa mort, Joseph refuse de travailler avec les deux contremaîtres désignés par Madame Bouvier car il les juge incompétents et il crée, alors, sa propre entreprise, c’est le début d’une grande aventure.

 Deux ans plus tard il a déjà une vingtaine de chantiers d’installation de chauffage mais manquant de capitaux il va s’associer en 1871 à Félix Viallet, dont la famille est, elle aussi, originaire de St Jean de Vaux dans la Matheysine.

Il est le fils d’un entrepreneur en fortifications.

Doté d’une grande ouverture d’esprit et d’une clairvoyance particulièrement favorable il jouera un rôle important au sein de cette jeune entreprise en pleine mutation et en plein développement. Son éducation, sa courtoisie et son éloquence complétaient bien le sens pratique de son associé.

C’est lui qui encouragea ses équipes à s’orienter vers la construction de conduites forcées  et qui incita l’entreprise à se porter acquéreur du pavillon EIFFEL construit pour  l’Exposition Universelle  de Paris en 1900 et qui sera réinstallé sur le site industriel de Grenoble. Ce bâtiment est devenu, aujourd’hui, un musée d’Art contemporain qui se nomme « Le Magasin » pour rappeler son origine.

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Le pavillon Eiffel sur le site Bouchayer Viallet Photo Janvier 2013

Alpiniste enthousiaste, il n’était pas un coin de nos montagnes qu’il n’ait, avec une infatigable ardeur, fréquemment exploré, donnant par cela un précieux exemple pour la pratique de ce sport et le développement du tourisme dans notre région. Cette passion lui valut d’être président de la section de l’Isère du Club Alpin Français.

Prenant sa retraite, Félix Viallet s’engage en politique, il est élu conseiller, puis adjoint et enfin Maire de la Ville de Grenoble en mai 1908. Il meurt deux ans plus tard sur une estrade à Voiron en pleine campagne électorale pour la députation.

La petite société de Joseph Bouchayer s’est donc transformée en  Bouchayer et Viallet, elle va se développer grâce à la technicité de Joseph et aux relations de Félix.

Joseph Bouchayer a fait venir auprès de lui trois de ses frères et l’entreprise va prospérer rapidement. Après deux étapes successives  Avenue de Vizille puis 9 rue Champollion là où se situe aujourd’hui le Conseil Général, la maison BV fait un grand pas en créant de nouveaux ateliers entre l’Avenue Alsace Lorraine et l’Avenue de la Gare , l’avenue Félix Viallet actuelle.

Pour Joseph Bouchayer, dans l’Industrie, il n’y a pas de palier si on avance pas on recule et si on ne monte pas on descend.

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Accès au site Bouchayer Viallet Photo Janvier 2013

L’un des trois frères est Eugène qui va jouer un rôle important dans la société et dans la Cité. Il est né en 1850 et il quitte la Motte d’Aveillans à 13 ans pour rejoindre son frère, c’est un très bon élève, il sort 2ème sur 72 élèves de l’Ecole Supérieure suivi de deux années à l’Ecole Vaucanson et à 18 ans il rentre dans la maison industrielle créé par son frère où il va passer 60 années de sa vie. 
A 37 ans il créé la Maison de Lyon dont l’activité est essentiellement commerciale et son épouse, ma tante Rose, se plaint d’avoir « un mari qui voyage 200 jours par an et  fait ses 22 000 kms annuels ».

Son influence a été très importante dans les destinées de la Maison car Joseph était plus un technicien qu’un commercial et son autoritarisme morose était peu favorable aux relations avec la clientèle

A la mort du fondateur, en 1898, Eugène revient à Grenoble pour prendre la présidence.

Son neveu Aimé Bouchayer, dont nous reparlerons, lui dit en 1928 à l’occasion de ses noces d’or « auprès de mon père tu auras eu une profonde influence sur les destinées de la Maison à laquelle tu as donné toute ta vie, ce n’est qu’à la mort du fondateur en 1898  que tu es revenu prendre ta place à la Maison principale, tu nous revenais au moment où nous abordions un nouvel exode qui devait durer quatre ans »

En effet les locaux de l’avenue de la gare étaient, à leur tour, devenus trop étroits et, à l’instigation de Félix Viallet, les EBV se rendent acquéreurs de terrains situés entre le Drac et la rue des cent vingt toises, aujourd’hui rue Ampère et comme le disait encore Aimé « en 1902 nous pouvions montrer aux visiteurs du grand congrès de la Houille Blanche des usines capables d’assurer les fournitures nécessaires au développement de notre grande richesse nationale »

Eugène Bouchayer était, en même temps un citoyen très apprécié  de tous qui se dévoua pour de nombreuses œuvres d’intérêt général et des organisations corporatives. Il fonda l’Union Industrielle et commerciale dont la mission a été de combattre les abus et de faire triompher en tous domaines une stricte équité, il fonda également la Société Immobilière des Habitations à Bon Marché.
Très proche des Pères Chartreux, il présida le syndicat d’initiative du massif de la Chartreuse. Trésorier de la Chambre de Commerce de Grenoble, en 1900 il entra au Conseil municipal de la Ville et devint adjoint au Maire de Grenoble de 1908 à 1919.

Lorsque l’entreprise s’est agrandie en s’installant près de la gare elle a dû embaucher du personnel à une époque où les relations entre patron et ouvriers ne faisaient l’objet d’aucune convention depuis l’abolition des corporations et les conflits sociaux étaient fréquents.

Eugène suggéra, alors, l’embauche d’une personnalité en contact à la fois avec les dirigeants et le monde ouvrier et il proposa de faire appel à un militaire retraité ayant acquis dans l’armée la connaissance des hommes et l’habitude de les commander. C’est ainsi que fut embauché en 1875 Félix Prat dont le fils unique Joseph Prat épousera quelques plus tard en 1892 Thérèse, une fille de Joseph Bouchayer.

 

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Revenons à l’entreprise Bouchayer et Viallet.

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Date de dernière mise à jour : 2019-01-18

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