Bouchayer Le Chatelier suite 3

 

NAISSANCE DE L’INDUSTRIE GRENOBLOISE 

LES BOUCHAYER

 

Le chatelier jean

 

Texte de Jean Le Chatelier

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Frise

 

Dans le livre la Saga des 25 il est rappelé l’épisode suivant : Cartier-Million qui a le sens commercial décide de créer une marque et il choisit « Chocolats Marquise ». Rentrant à la maison il annonce la nouvelle à sa femme qui lui dit mais qui a eu cette idée stupide et Félix lui répond c’est moi et c’est comme cela qu’est née la marque CEMOI

Cemoi 01 02

Après la deuxième guerre mondiale la chocolaterie CEMOI s’affirme comme une des quatre grandes marques de la chocolaterie et emploie plus de 500 salariés.

En 1978 l’immeuble a été racheté par la ville de Grenoble pour en faire le Centre d’Entreprises des Métiers et d’Opérations Industrielles toujours C.E.M.O.I.

Pour la petite histoire, une fille Cartier-Million a épousé Gilles Bouchayer un petit fils d’Auguste

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Toujours à cette époque Aimé Bouchayer va jouer un rôle dans la naissance du groupe Neyret-Beylier, Piccard-Pictet .

A l’origine quatre hommes : Casimir Brenier, André et Jean-Baptiste Neyret et Charles Beylier.

Casimir Brenier est né à La Tronche en 1832 soit trois ans avant Joseph Bouchayer. Il fonde en 1854 avec des partenaires une petite entreprise de construction mécanique qui travaille pour la papeterie, construit des machines à vapeur, il s’intéresse aux moteurs hydrauliques et vers les années  1870 saisit une nouvelle opportunité en travaillant pour les pionniers de la houille blanche. En 1876 il marie sa fille à André Neyret l’héritier d’une grande famille stéphanoise.

Ils vont devenir, ensemble, les grands spécialistes des turbines hydrauliques. En 1896 un frère d’André Neyret, Jean-Baptiste rentre dans la société ainsi qu’un autre ingénieur Charles Beylier. A la veille de la guerre de 14-18 la société est très active sur ce marché mais reste, cependant loin derrière les allemands et surtout les suisses.

Or, c’est à cette époque que la France  engage un important programme de construction de  centrales hydro-électriques. La Société Générale d’Entreprises va définir une grande stratégie industrielle afin de mettre en place en France un ensemble de constructeurs capables de fournir les équipements des grands chantiers à venir.

C’est, alors, qu’intervient Aimé Bouchayer qui, soutenu par son ami le ministre Louis Loucheur, incite la jeune société grenobloise Neyret et Beylier à s’unir au groupe suisse Picard et Pictet. Dans cet accord les grenoblois doivent apporter  leur activité turbines et vannes et leur savoir faire tandis que les suisses apportent leurs brevets et leur concours technique.

L’opération se réalise, les Suisses prennent 44% du capital, Neyret-Beylier 30% les industriels grenoblois dont Aimé Bouchayer 15% el la SGE 11%.

Il est décidé de construire une grande usine sur le site de Beauvert dans la commune de Saint Martin d’Hères à l’est de Grenoble. Neyret prend la présidence. Il fait appel pour la direction générale à un homme qui va développer l’entreprise entre les deux guerres, il s’agit de Maurice Gariel qui était son responsable du bureau d’études.

En fait, les relations entre le groupe suisse et les grenoblois vont être particulièrement difficiles car ces derniers se battent pour que le bureau d’études et le centre des essais restent à Grenoble ce qui n’était pas l’avis des suisses. De plus on se trouvait encore en temps de guerre et  la construction de l’usine  ayant pris du retard, les coûts ont augmenté et les associés refusent de mettre la main à la poche.

Aimé Bouchayer intervient à nouveau, il obtient le concours de grandes entreprises  telles Schneider, Pont à Mousson et Marine Homécourt et le capital est porté de 5 à 7 MF.

En 1920 la société suisse fait faillite. Elle est remplacée par un autre groupe suisse Les Charmilles qui va engager un litige contre le groupe grenoblois qui durera 9 ans.

C’est, donc, sans l’appui des suisses que la société Neyret Beylier Picard Pictet qui prendra le nom de NEYRPIC développe de nouvelles techniques  grâce à l’arrivée d’ingénieurs de grand talent comme Paul Cayère, sorti n°3 des arts et métiers d’Aix en Provence et qui quelques années plus tard deviendra prêtre et créera une école d’apprentissage renommée.

Le nouveau président Maurice Gariel fait appel à Paul Millon Arts et métiers de Cluny et à Henri Dagallier, polytechnicien. Ils formeront une équipe très soudée dénommée la Sainte Trinité par le personnel. Tous trois ont des personnalités différentes mais ne font aucun mystère de leur foi catholique et de leurs engagements actifs en tant que croyant dans l’Eglise et dans la Cité.

Aimé Bouchayer a eu trois enfants : Jean, Madeleine et Maurice. Jean a épousé une Perrin, Madeleine a épousé un Le Chatelier et Maurice a épousé une Merceron-Vicat, trois noms déjà célèbres au début du XXe siècle.

L’aîné Jean Bouchayer a épousé en 1918, Marcelle Perrin.

Les Perrin étaient, à l’origine, des entrepreneurs, bâtisseurs de routes dans les Alpes, les plus célèbres furent les deux frères Louis et Grégoire Perrin qui employèrent jusqu’à 5 000 travailleurs.

Les conditions de travail étaient terribles, les nuits souvent glaciales et on enregistrait de nombreux accidents. Dans ses souvenirs Grégoire Perrin raconte comment il a participé à l’aventure de Bonaparte en aidant son armée à franchir le Col du Mont Cenis et à vaincre ainsi les troupes autrichiennes dans la plaine du Pô.

Mais la chute de l’empire  enleva, aux deux frères, toute possibilité de poursuivre leur activité. N’ayant pas d’enfants Grégoire Perrin aida son neveu Auguste en lui achetant une étude de notaire mais ce dernier n’avait ni l’énergie ni le talent de son oncle. Il mourut assez jeune en 1857 laissant sa veuve avec sept enfants.

A 45 ans c’est elle (Marcelle Perrin) qui va s’installer à Grenoble et, aidée de son frère Camille Nicolet, elle va créer un petit atelier de ganterie qui allait devenir une maison connue dans le monde entier.

En 1873 l’un de ses fils Valérien Perrin part aux Etats Unis à 22 ans, en arrivant sur le quai il se fait dévaliser et il doit pendant quelques temps se résoudre à se faire balayeur et plongeur ce qui va lui permettre de se familiariser avec la langue. En quelques années, il constitue un réseau commercial qui va couvrir une grande partie des USA et du Canada.

C’est son neveu Louis-Alphonse Douillet le fils de sa sœur aînée Elisa qui lui succède à New-York.

Grenoble devient, à cette époque, le premier centre gantier en France, il exporte une grande partie de sa production en Angleterre et aux Etats Unis. Les gants Perrin, pour leur part sont présents, en 1913, dans 157 maisons de détail en France, dispose de 86 dépôts en Europe, aux USA, au Canada et en Amérique du Sud.

Ganterie perrin rue irvoy grenoble

Ateliers de la ganterie Perrin

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Une machine Singer pour coudre les gants-Photo Mars 2017

Après la mort de son père en 1928 Jean Bouchayer va diriger avec son beau frère Louis Le Chatelier l’entreprise Bouchayer Viallet.

En 1906 était rentré un jeune et brillant ingénieur : Georges FERRAND qui, guidé par Auguste Bouchayer, l’hydraulicien et le métallurgiste de la Maison,  se distingue très vite sur les chantiers difficiles et devient l’innovateur du bureau d’études.

Les besoins en électricité étant de plus en plus grands les efforts sont poursuivis dans le domaine des conduites forcées. Les montages étaient réalisés par du personnel détaché. Conseillé par Auguste, Aimé Bouchayer crée en 1917 la société Dauphinoise d’Etudes et de Montages et met à sa tête Georges Ferrand qui peut ainsi mettre en valeur ses qualités exceptionnelles.

La tendance est aux chutes de plus en plus hautes et plus puissantes et, si pour Eget, par exemple, dans les Pyrénées, il faut encore passer par 7 conduites pour absorber tout le débit, son souci sera d’améliorer les techniques pour qu’une seule conduite supporte d’énormes pressions malgré des diamètres très importants.

Georges Ferrand met au point l’autofrettage des tuyaux et une des plus grandes réalisations avec cette technique est la chute de Bissorte en 1932.

Les conduites auto-frettées ont fait le grand succès de la maison et l’ont propulsée sur le plan international. Les EBV avec sa filiale la SDEM ont réalisé en 1956 à Roselend en Savoie une conduite 3,30 de diamètre sur 2 500 m et 1250m de hauteur de chute ceci grâce à l’auto frettage pour une puissance installée de 500 MW, en 1967 au Mont Cenis 350 MW, en 79 au Pouget dans l’Hérault 257 MW, en 1980 à Grandmaison dans les Alpes 1800 MW et en 1982 à Super Bissorte dans les Pyrénées  720 MW.

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Dans un tout autre domaine Jean Bouchayer a présidé le Comité de Patronage des Etudiants Etrangers

Le vendredi 3 juillet 1896, 16 grenoblois se réunissent pour fonder ce Comité dont le but est de faire une propagande active à Paris et à l’étranger, auprès des Universités et des agents diplomatiques, pour attirer à Grenoble des étudiants étrangers et faire en sorte qu’ils deviennent de futurs clients de l’industrie grenobloise.

 Marcel REYMOND à qui revient l’initiative de cette création, est nommé président.

L’idée est ambitieuse, la réalisation difficile, car les étudiants étrangers ne se bousculent pas à Grenoble en 1896. Ils sont 4 : 2 bulgares, 1 grec et 1 allemand.

Marcel Reymond commence donc avec 4 auditeurs. Il s’occupent de leur logement et de leur nourriture et assure, lui même, les premiers cours.

Pressent-il alors que son œuvre est promise à un grand avenir ? je ne le pense pas, or c’est l’histoire d’une réussite. Lorsque sous ma présidence nous avons célébré en 1996 le centenaire de sa création, le Comité avait accueilli et formé plus de 160 000 étudiants étrangers représentant plus de 88 nationalités.

A quoi attribuer un tel succès ? Sans doute Marcel Reymond a-t-il compté sur la situation de Grenoble au cœur des Alpes et sur le développement du tourisme.

A l’évidence, il a misé sur un enseignement de qualité confié, dès la première heure, à la faculté des Lettres. Surtout, il sut dès l’origine que pour être efficace, cette association avait besoin de souplesse et d’indépendance, étroitement liée à l’Université en matière d’enseignement, elle sera gérée indépendamment jusqu’à cette année 2012.

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Parti de 4 en 1896, la progression des effectifs est régulière jusqu’à la première guerre mondiale. En 1919, les cours vont reprendre avec l’arrivée à Grenoble de 405 soldats-étudiants américains mis en sursis par l’autorité militaire pour poursuivre leurs études universitaires en attendant leur rapatriement. Dès l’année 1923-1924, le nombre des inscriptions se rapproche de celui des meilleures années d’avant-guerre et l’année suivante, tous les scores sont pulvérisés avec 1 453 étudiants inscrits au Comité.

En 1925-1926, ils sont 2 371, avec de nouvelles origines : le recrutement russe et allemand d’avant guerre est tari, italiens et anglais sont  alors les plus nombreux.

Ce redressement, le Comité le doit à son Président Aimé Bouchayer, élu en 1919, il donne un nouvel élan à l’association, lui rend son prestige au moment où la concurrence se fait sentir et, avec l’appui du directeur de la Banque de France, il consolide ses finances.

Aujourd’hui ce Comité qui, depuis cette année, a été intégré dans l’Université Stendhal accueille plus de 3 000 étudiants étrangers chaque année. Ce sont, donc,  des dizaines de milliers d’étrangers qui, au cours des années passées, sont devenus de bons ambassadeurs tant pour la région grenobloise que pour notre pays.

Barre doree

Maurice le second fils d’Aimé Bouchayer a épousé Denise Merceron-Vicat

Louis Vicat était, lui, un ingénieur des Ponts et Chaussées, né en 1786, mort en 1861.

Il cherche comment réaliser de solides fondations à l’occasion de la construction d’un pont. Il analyse les chaux connues pour durcir dans l’eau et observe que si tous les éléments sont variables il y en a deux dont la présence est constante l’argile et le carbonate de chaux, il vient de découvrir le ciment artificiel qui est devenu à partir  de 1880 d’un emploi courant. Il s’agit d’un domaine dans lequel mon grand père, le chimiste Henry Le Chatelier a beaucoup travaillé avec Joseph Vicat le fils de Louis mais aussi avec les ciments Lafarge dont il était devenu le conseiller officiel.(Jean le Chatelier est le petit fils d'Henry le Chatelier)

Le nom de Vicat est inscrit sur la tour Eiffel comme celui, d’ailleurs, de Le Chatelier.

De très nombreuses cimenteries vont se créer autour de Grenoble et le département de l’Isère deviendra pendant quelques temps le premier département pour les liants hydrauliques.

Maurice Bouchayer n’a jamais travaillé dans l’entreprise de son père.

Madeleine Bouchayer , sa sœur, a épousé Louis Le Chatelier en 1919 et ce dernier fera toute sa carrière chez Bouchayer-Viallet. Il avait écrit à ses parents, fin 1918, qu’il était temps pour lui de trouver une situation et de se marier c’est l’inverse qui s’est passé en se mariant il a trouvé sa situation.

Aimé Bouchayer a été heureux d’avoir auprès de lui un gendre pour le seconder quand à Jean son beau frère il n’a eu qu’à se féliciter, pendant près de quarante ans, de pouvoir faire équipe avec lui.

Sortant de Centrale il aurait aimer s’intéresser plus à la technique mais le groupe Bouchayer-Viallet avait recruté quelques années auparavant un technicien très qualifié, Louis Le Chatelier s’occupera donc des finances, du personnel, des relations patronales et des relations avec l’Université. Dans ces deux derniers domaines, il eut un rôle important.

Il participe aux réunions du syndicat des mouleurs avec les patrons de Neyret-Beylier où il retrouve les Dagallier, Bonjean, Vialis, Gariel et doit affronter les grèves de 1926. Cette année là il prend la présidence du syndicat des industries mécaniques, il a 38 ans. Il s’intéresse à la mise en place de cours professionnels.

1927 la France est en pleine crise économique, le syndicat se refuse à licencier ou à réduire les salaires et cherche comment aider les ouvriers et mon père s’occupe plus particulièrement des logements ouvriers.

Un autre engagement de mon père fut le PACT association pour la réfection de logements insalubres dont il fut l’un des fondateurs en 1953 et dont il fut jusqu’en 1974 (il avait 86 ans) membre du Conseil d’Administration et trésorier.

Il fut co-gérant pendant de nombreuses années des Champs Elysées de Grenoble dont l’histoire mérite d’être racontée, elle commence en février 1918, Aimé Bouchayer est alors au sommet de sa réputation. C’est vers lui que se tourne le directeur chargé à la Préfecture de l’Isère de l’Education physique de la jeunesse pour lui demander de lui trouver et mettre à sa disposition un petit terrain de sport. Aimé Bouchayer prend les contacts nécessaires, il rencontre Monsieur A. Chauvin du Pari Mutuel et obtient de lui une promesse de vente pour un champ de course mais surtout il fait appel à quelques amis pour souscrire au capital d’une société. Il leur précise que ce ne sera pas une belle opération car dit-il nous ne verserons peut être pas de dividendes pendant de nombreuses années mais ce sera une bonne action.

C’est ainsi que sera constituée  en septembre 1918 la société des Champs Elysées de Grenoble au capital de 1,2 MF par 77 actionnaires, les premiers administrateurs sont  Marius Blanchet, Edmond Gillet, Charles Lépine, Albert Raymond.

Hippolyte et Aimé Bouchayer président, tous des personnalités grenobloises.

Plusieurs personnes offrent leur propriété, en particulier un certain Mr Comte qui cède 11 ha pour 70 000 Francs soit environ 100 000 euros actuels. On est loin du simple terrain de sport.

Dès l’origine les promoteurs de l’opération envisagent de créer un grand parc avec pièces d’eau sur lesquelles j’ai eu l’occasion de patiner lors des hivers particulièrement froids des années trente, ce sera le Parc Bachelard. Le terrain de sport lui deviendra le Stade Aimé Bouchayer, débaptisé plus tard pour devenir le Stade Lesdiguières et réservé, principalement, au rugby.
L’Hôtel Lesdiguières qui faisait partie des acquisitions a été revendu à la Ville, sur l’insistance de son Maire Paul Mistral, en 1927 et deviendra une Ecole hôtelière réputée.

Fin 1919 la société avait acquis 66 ha avec un prix de revient moyen au m2 de 1,88 F.

En 1920 le capital est porté à 2,4 MF. La société signe un bail avec Mr Bayou pour la réalisation de 11 tennis.

En 1925 Aimé Bouchayer s’entend avec Edmond Gillet pour lui céder 200 000 m2 destinés à la construction d’une cité ouvrière pour la société La Viscose.

J’ai noté dans les archives de la société qu’en mai 1925 Hippolyte Bouchayer ne pouvait pas assister à la réunion du Conseil de la société les Champs Elysées de Grenoble car il avait, ce jour là, un Conseil de Péchiney à Lyon, un Conseil de la Cheditte à Lausanne et deux réunions à Milan avant son retour à Paris !! ce qui montre que le frère d’Aimé a, lui aussi, pris de l’importance.

En 1926 les travaux pour l’aménagement du parc Bachelard commencent tandis que de nouveaux terrains sont cédés à la Viscose.

Après la mort d’Aimé Bouchayer, la société sera transformée en commandite par actions avec comme gérants mon père, Louis le Chatelier, à qui je succèderai  et Marius Blanchet.

En 1947, à la demande du Docteur Martin, Maire de Grenoble, la société cède à la ville, le stade, les tennis, l’hippodrome de Bachelard et le surplus des jardins pour permettre la création du Parc de la Jeunesse et des Sports et un camping municipal. Ces opérations se font dans le cadre d’un important échange de terrains situés près du Rondeau contre des terrains le long des Grands Boulevards qui viennent d’être créés à l’emplacement des anciens remparts, puis toujours en accord avec la Régie Foncière de la Ville la société a échangé ces parcelles contre des logements.

 

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En conclusion, je voudrais vous parler d’une initiative qui relève de mes deux grands pères : Aimé Bouchayer et Henry Le Chatelier, initiative qui sera à la base de la deuxième révolution industrielle pour notre région, celle que nous vivons aujourd’hui, je veux parler des relations entre l’Université et l’Industrie dont le modèle grenoblois s’est étendu à beaucoup d’autres régions en France

En 1916 Henry Le Chatelier est désigné par l’Académie des Sciences comme rapporteur d’une commission chargée d’étudier le développement des laboratoires  français et il écrit des lignes prémonitoires comme le rappelle Paul Dreyfus dans son livre sur Paul-Louis Merlin : « Le laboratoire est devenu un des organes les plus indispensables de l’usine moderne. Mais les laboratoires d’usines ne suffisent pas. De nombreux problèmes nécessitent, pour leur étude, des installations plus complètes. Les laboratoires nationaux doivent répondre à ce desideratum. Leurs fonctions essentielles serait de se livrer à des recherches scientifiques d’intérêt général pour l’industrie ».

Côté Grenoble, je cite, toujours, Paul Dreyfus : Dès le lendemain de la guerre, Louis Barbillon avait créé, à l’Institut polytechnique, un laboratoire d’essais mécaniques et physiques qui avait été confié à Pierre Dejean. Sachant l’aide que pourrait lui apporter ce laboratoire universitaire, Aimé Bouchayer avait contribué à son équipement en remettant un chèque de 1 000 Frs en 1919.

C’est à cette date que les deux vont se rencontrer.

Monsieur de Renéville , directeur des Mines de la Mure était en relations étroites avec Aimé Bouchayer, et connaissait bien sa fille Madeleine. Il était également fervent admirateur d’Henry Le Chatelier, l’Ingénieur des Mines, le savant, le membre de l’Académie Française et, à l’occasion d’un déjeuner à Paris, il avait fait la connaissance de leur fils Louis, diplômé de l’Ecole Centrale, lieutenant dans l’artillerie et qui n’était pas encore démobilisé. Le mariage de mes parents eut lieu le 12 juillet 1919.

Entre le Président fondateur de l’Association Patronale des Alpes Françaises, mon père et le professeur à la Sorbonne de très nombreux échanges vont s’engager sur les relations à créer entre l’Entreprise et l’Université.

En 1923 Henry Le Chatelier met en garde, cependant, son fils sur la difficulté de créer de tels organismes sans avoir la caution du fameux Comité des Forges. C’est finalement en 1929, mon père est alors président du syndicat des Industries mécaniques que va être créée la société des Amis du Laboratoire des Essais Mécaniques et Physique des Métaux, Chaux et Ciments de l’Institut Polytechnique de l’Université de Grenoble.

Aimé Bouchayer qui en avait été l’instigateur était mort en 1928 et c’est Paul Vialis qui en est devenu le premier président. Mon père en a été nommé trésorier à sa création et a donné sa démission en 1969 soit 40 ans plus tard. Paul-Louis  Merlin, pour sa part, en a assumé la présidence de 1936 à 1970. Cette association, comme le soulignait le Recteur Guy à l’époque, était basée sur une intime collaboration des Industriels et de l’Université au profit commun des collectivités. Monsieur Néel, futur membre de l’Institut en a été nommé directeur en 1943,

A ce stade je me dois de nommer quelqu’un qui fut jusqu’en 1993 la cheville ouvrière de cette association, je veux nommer Maurice Besson né en 1929, il a perdu son père à l’âge de 4 ans.

A 14 ans il est coursier à la Poste et à 17 ans, mon père qui était son tuteur le fait rentrer chez Bouchayer et Viallet qu’il quittera 45 ans plus tard. Il devint chef de la comptabilité et c’est à ce titre qu’il devint le responsable administratif et financier de l’ADR, l’Association pour le développement de la recherche.

En 1958, à l’initiative du Professeur Weil, la société change de nom et devient la SDA la Société pour le développement des études de mécanique et de physique appliquée ceci pour permettre à l’ensemble des laboratoires de l’Université et non plus seulement le laboratoire des essais mécaniques d’adhérer à l’Association.

En 1971 elle adopte sa désignation définitive sous le sigle l’ADR.

En 1990 ce sont , nous dit Jean-Pierre Gamot, le président de l’époque, 100 laboratoires er 8 000 chercheurs qui sont concernés, 400 contrats sont gérés chaque année occupant environ 180 personnes.

C’est la possibilité pour les petites et moyennes entreprises, nous dit Georges Lespinard,comme pour le grandes entreprises de profiter des moyens humains et matériels des Universités et pour les Universités d’obtenir des financements pour leurs recherches.

En 1957 un colloque « Université-Industrie » rassemble à ses côtés Louis Weil, Pierre Mendès-France et de nombreuses personnalités. A cette occasion est lancée le « Manifeste de Grenoble » qui prône qu’il n’y a pas d’expansion économique sans développement de la recherche ce qu’avait préconisé près de 40 ans auparavant Aimé Bouchayer et Henry Le Chatelier.

Tous les grands noms de l’industrie grenobloise et de l’université ont fait partie de son Conseil d’Administration, c’est à cette association que l’on doit la renommée de cette liaison Université - Industrie qui, pour être normale dans les pays anglo-saxons, était assez inhabituel en France. Sans ce lieu d’échanges, l’agglomération de Grenoble ne serait peut-être pas devenue le pôle d’innovation qu’on lui reconnaît aujourd’hui.

Plusieurs personnages ont joué un rôle important car, tous, très ouverts aux industriels : le physicien Michel Soutif, le professeur Louis Weil, directeur du Laboratoire d’électrostatique et de physique du métal qui a fait venir à Grenoble l’Air Liquide en 1956 et Louis Néel qui a obtenu du Commissariat à l’Energie Atomique la création en 1955, du centre d’études nucléaires de Grenoble. Celui-ci va développer des moyens de recherche considérables grâce à des outils comme la pile Mélusine dont j’ai été, personnellement chargé, suivie en 1957 de Siloë, du synchrotron en 1967 et enfin du réacteur à Haut Flux.

Ce sont ces outils qui ont ouvert la voie à la microélectronique, à l’informatique et au Grenoble d’aujourd’hui.

Jean Le Chatelier-Novembre 2012

Les mots en couleur bleu ont été ajoutés par CM le 10 Mars 2019

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Trois pages publiées le vendredi 11 Janvier 2019

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Date de dernière mise à jour : 2019-03-10

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