Hommage à Pierre Baillargeat 2010

 

Hommage à Pierre Baillargeat

 

hameau-st-mury.jpgQuand je suis arrivé à Sogreah en 1974, j’ai bien vite fait la connaissance de ce doux géant laconique qui animait la « section bio » et ouvrait son stand une fois par semaine sur le parking, quand nous étions encore avenue Marie Reynoard.

Mais nous devions rapidement apprendre à mieux nous connaître quand nous fîmes ensemble la première mission exploratoire au Yemen pour le projet « Wadi Siham ».

C’était à l’automne 1977. Ensuite, ce fut une longue collaboration sur ce projet puisqu’avec Jacques Decroux il avait pris en charge l’équipement des mesures hydrologiques du wadi. Ce fut l’époque héroïque de Bajil, ce gros village dans la plaine de la Tihama où nous étions installés et où Odile vint bientôt le rejoindre.
Il bénéficia peu après d’une retraite précoce.

Il me disait : « je brûle un cierge à Pierre Mauroy tous les matins » ! ce qui pour lui était bien sûr une manière de parler ! Mais cela lui permit d’attaquer le gros chantier de restauration d’un château en ruine à Saint Mury, dans la Drôme des Collines.

C’était tout prés de mon pays d’origine et j’ai pu suivre avec admiration l’avancement de cette énorme entreprise où il s’était lançé avec Odile.

Je l’ai vu remonter ces murs, hisser à 12 mètres de hauteur de grosses poutres de chêne qu’il avait d’abord équarries à l’herminette. Il avait même suivi un stage de tailleur de pierres pour pouvoir ensuite mettre en place une magnifique cheminée seigneuriale en grés des Vosges. Et en même temps, lui et Odile refondaient une famille, élevaient trois superbes enfants, cultivaient un jardin sans déroger de leurs bons principes écolos !
Puis il y eut ce drame terrible en 1986, la mort tragique à 24 ans de sa fille Dominique. Pierre ne s’en est jamais remis et pensait même en porter une part de responsabilité. Nous avons continué à nous voir de loin en loin, mais je percevais bien à quel point il était miné par cette perte qu’il avait subie et par la maladie qui le rongeait depuis quelques années.
Avec ma femme Maryvonne, nous perdons un ami, quelqu’un de bien que nous aimions et que nous respections. Nous voulons dire à Odile et à leurs enfants, que nous partageons sincèrement et profondément leur peine.

Daniel Rodinson
2 mars 2010


 

Hommage à Pierre Baillargeat

 

Je suis arrivé au Service Hydrologie en 1970 à Saint Martin d’Hères « la Croix Rouge » dans ce qui était une annexe de Sogreah, là où Neyrpic fabriquait ses téléphériques autotractés.
J’ai été accueilli par deux personnes originales, comme Sogreah en avait le secret, Lucien Conti, et Pierre Baillargeat.
Lucien Conti, était collectionneur de bandes dessinées et chanteur d’opérette, et Pierre Baillargeat déjà intéressé par le « bio », cachait un éternel sourire derrière un nuage de fumée nauséabond généré par une pipe, alterné par des Gauloises.
Ces deux personnages cohabitaient dans un immense bureau, traçaient des courbes sur du papier millimétré, en parlant de pays qui pour moi n’existaient que sur les atlas.
Pierre m’a pris en formation, emmené dans sa 2CV au port de St Gervais sur Isère, et là, m’a dit, « fait un jaugeage, ça marche comme ça, je reviens te chercher plus tard ! »
Je me suis débrouillé tout seul avec ce téléphérique, ce saumon et cette manivelle de treuil à mouliner sans fin.
Ce fut le début d’une formation professionnelle et d’une grande amitié.
•    La période de Sogreah dans les bureaux de la Cipra entre 1973/1975.
Pris par la tendance bio, Pierre avait, avec son complice Pierre Juge, via le C.E., louait un box dans les sous sols et vendait ses produits bios entre midi et 14h. Le succès ne s’est pas fait attendre, et rapidement son « épicerie » qui au début ne vendait que quelques pommes et carottes, a pris de l’ampleur, et la queue pour se faire servir était parfois digne d’un jour de viande à Moscou ! Même le DRH, Monsieur Darbon, venait se servir, en rappelant toutefois que, légalement, ce type de vente était interdit au sein d’un C.E.!
•    La période de Sogreah dans les bureaux des Granges depuis 1975.
Puis vinrent les missions à l’étranger. Le Yémen, et le wadi Siham, des heures à se faire secouer dans des 4×4, un réseau hydrologique à placer et exploiter, sous une chaleur torride, certains accessibles qu’après 1 heure de marche, où il me parlait de sa vie. J’ai eu plaisir de découvrir un personnage complexe,  humain, d’une extrême gentillesse, son avenir reconstruit avec Odile, et qui, toujours, cachait ses soucis derrière son sourire.
Pour les missions en France, Pierre emmenait avec lui une bombe de peinture, qui lui servait pour ses repères topographiques et hydrauliques, et parfois pour écrire « non au nucléaire » sur un mur qui l’inspirait !
Et toujours ce sens extraordinaire de l’observation, qui lui faisait pressentir les cheminements complexes de l’eau, quand il me disait : « là, c’est la crue de 100ans, ça va passer là et là, et ça va monter comme ça ! » C’était dit.Les coups de gueule avec son complice politique Philippe Lefort, et les moments de réflexion avec Pierre Chaise, et tant d’autres…
A son départ à la retraite,il entreprit la reconstruction de cette maison fortifiée du 13ème siècle dans la Drôme au nord de Romans.
Je venais le voir à moto dans sa thébaïde drômoise, où il pensait avoir trouvé le bonheur et repartir dans sa nouvelle vie.
« Comment as-tu fait pour monter ces poutres, ces murs à cette hauteur ? »
« Facile, répondait Pierre avec son ineffable sourire, entouré d’Odile et de ses nouveaux enfants, le plus dur c’est de se mettre en marche le matin, après, ça va tout seul ! »

Puis, la disparition brutale de sa fille Dominique dans des circonstances tragiques, qui l’ont profondément marqué. Il se sentait en partie responsable de ce drame, ne l’ayant pas discerné dans les propos de sa fille. Il avait écrit et fait éditer à compte d’auteur un livre qui relatait cette épreuve, où il cherchait à comprendre cette tragédie qui l’avait durement frappé, peut-être pour extirper de lui ce malheur.

Je crois que ce fut le départ d’une lente mais sûre descente morale, qui déclencha cette maladie et cette souffrance qui eut raison de lui.
Adieu Pierre,  tu as marqué ma vie, et bien que ces derniers temps nous ne nous soyions guère rencontrés, je garderai toujours dans un coin de ma tête ces bons moments que nous avons passés ensemble.

Jacques Decroux
Le 4 mars 2010

Pierre Baillargeat a été inhumé au cimetière de Murianette le vendredi 5 mars 2010

Pierre lors d'une mission au Yemen-photo J Decroux 1977pierre-1-1.jpg

Posté par amicaleretraitessogreah le 17 janvier 2012 Pas de Commentaire »

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Date de dernière mise à jour : 2018-02-04

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