Richard Petris Ecole de la paix

 

« SUR LA PATTE DE L’ANCRE »

En souvenir de Jean Sommet

Texte de Richard Petris

 

La dernière fois que j’ai pu échanger avec Jean Sommet, c’était en Avril 2016 ; j’étais à la veille de partir au Cambodge et au Vietnam.

Vietnam

J’étais enthousiaste, je rêvais à l’idée de pouvoir étendre à ces pays le projet d’un réseau mondial d’écoles de la paix dont on me disait, en « hauts lieux » qu’il était politiquement pertinent et que l’aide française au développement pourrait le financer.

J’avais prévu de commencer par la Cambodge car j’étais aussi accompagné par un juge français qui avait joué un rôle important dans le retour à la paix dans ce pays en participant à l’instruction du procès international des Khmers rouges.  

Je souhaitais donc partager cette démarche avec Jean, comme nous avions partagé l’attention à la situation des réfugiés cambodgiens depuis les années 70, à leur accueil dans notre région, en agissant en particulier au sein du Comité dauphinois de secours aux réfugiés du Sud-est asiatique, notamment en assumant la gestion du Centre provisoire d’hébergement de Cognin-les-Gorges. Et ceci devait ensuite influer de façon déterminante sur l’envie de pouvoir agir, en amont de ces tragédies humaines, par l’éducation à la paix et pour la prévention des conflits.

Il appréciait, je crois, la perspective que je lui décrivais et il conclut : « Vous êtes donc  sur la patte de l’ancre ! ». L’expression, que je ne connaissais pas, me surprit par son étonnant pouvoir d’évocation propre à ce vocabulaire de marine si concret et si vivant, si poétique à la fois. Jean était resté un marin, avec tout ce que représentait cette condition,  pour moi qui avait rêvé, étant plus jeune, de le devenir un jour. Celui qui navigue et découvre, bien sûr, mais aussi celui qui se frotte aux éléments naturels aussi bien que celui qui, dans « la Royale » évidemment, y remplit un « service », conduit des « missions ». Il le savait car je lui avais raconté qu’un de mes plus beaux souvenirs, au début des années 60, avait été de descendre la rivière de Saïgon à bord de la vieille Jeanne d’Arc, juste avant qu’elle ne soit réformée. Mon histoire familiale et personnelle avait d’ailleurs commencée, dans cette partie du monde, dans le contexte de la guerre dont firent partie les affrontements du golfe du Siam auxquels avait pris part le croiseur La Motte-Picquet sur lequel servait Jean.  J’avais été ravi de contribuer modestement à la réalisation de son ouvrage sur celui-ci, « Campagnes lointaines - Dans les replis du Dragon » en lui prêtant une documentation sur « Les flottes du Mikado » et, surtout, sur les voiliers d’Indochine. Et puis nous étions allés jusqu’à comparer les campagnes d’affirmation de la souveraineté française sur les îles de la Mer de Chine faisant partie de l’empire colonial, campagnes auxquelles Jean avait participé en son temps, avec les actuelles missions de présence de notre Marine Nationale dans cette extrême Asie, face aux revendications de puissance de la Chine.

Pas de doute, nous étions bien dans cette profession, cette tradition et cette ambiance de la marine, si particulières qu’elles expliquent que, dans la perception du métier et de la chose militaire, les marins ont une place à part, un temps d’avance, peut-être. L’important, en effet, me semble aujourd’hui de souligner à quel point ceci explique sans doute que ces marins sont considérés, du fait de leur proximité avec la mer, comme ceux qui ont peut-être la conscience la plus aigüe des enjeux cruciaux de sa protection. C’est ce que m’expliqua un jour, à sa façon, le philosophe et marin lui-même qu’était Michel Serres. Et ceci est d’une importance vitale pour le long cours de l’Histoire qui, à la fois, nous éloigne, lentement mais sûrement, de l’ordre militaire et nous invite à prendre de plus en plus au sérieux, le défi de la protection de l’environnement et de la sauvegarde des espaces naturels, de la planète.

Du coup, je réalisais que l’expression utilisée par Jean ouvrait aussi à une dimension bien plus large, celle de l’attention au sort de l’humanité et au service des hommes et des femmes qui habitent la terre. Car c’est Jean, qui était, lui-même, en permanence, « sur la patte de l’ancre » et qui le montrait par son dévouement à ses familles : la sienne propre, mais aussi celle, adoptive en quelque sorte, de ses chers amis Cambodgiens.

C’est lui qui avait embrassé la cause des hommes et des femmes plus nombreux encore dans la peine et pour chercher des solutions ; des plus petites, concrètes et quotidiennes, aux plus larges et qui se devaient d’être ambitieuses. Je réalisais mieux ce qui avait toujours uni Jean à son frère Jacques, le grand jésuite avec qui j’avais eu aussi l’honneur, grâce à lui, d’échanger à plusieurs reprises sur sa vision de l’Homme et de l’Histoire. Ces liens qui m’avaient permis de faire mesurer à des jeunes de l’aumônerie du lycée Champollion, dont je m’occupais, ce que signifiait pour l’ancien résistant et prisonnier de Dachau l’affirmation que, même en captivité, celui-ci s’estimait encore plus libre que ses geôliers !

« Sur la patte de l'ancre… » Cela signifie que le navire est sur le point de « déraper », d’appareiller. Par analogie, c’est le marin qui se trouve être sur la patte de l’ancre, prêt à appareiller. Pour moi, jusqu’au bout, pour un tas de raisons, avec toute son énergie, c’est Jean qui est resté toujours prêt à appareiller.

Nombreux sont celles et ceux qui ont eu envie de lui dire en forme d’adieu : « Bon vent ! » ou « Bonne route ! ». J’ajouterai : « Tant qu’il y aura des hommes ! ».

                        Richard Pétris

                   Grenoble, le 24 janvier 2020

Barre bleue

Sur la page d'hommage à Jean Sommet,l'Amicale rappelle la carrière de Jean Sommet qui fut capitaine de corvette lors des dix années de sa carrière maritime passées en Extême Orient à bord du bâtiment amiral de la force navale que la France entretenait en ces parages lointains de 1935 à 1945.

Barre marsais

Richard Pétris

Richard petris 2020

Diplômé de l’Institut d’études politiques de Grenoble ; fondateur et directeur de l’association « Ecole de la paix » dans cette même ville.

Expérience de l’international à travers de longs séjours en Asie et une pratique de la solidarité internationale, en Amérique latine en particulier, depuis quinze ans.Convaincu de l’importance fondamentale du dialogue et de l’échange d’expérience dans les processus de paix. Particulièrement investi dans la promotion des échanges entre la société civile et les militaires, pour installer les conditions d’une paix durable.

Source

http://www.irenees.net/bdf_fiche-auteur-6_fr.html

 

Interview de Richard Petris

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Interview Richard Petris

Pourquoi une Ecole de la paix ?

Richard Petris a fondé l'Ecole de la Paix en 1989 et en a été le directeur entre 1989 et 2012- Vidéo 9 mai 2016

 

Interview Richard Pétris & Patrick Lecomte

Interview de deux dirigeants de l'Ecole de la paix en 2014

Les fondements de l'organisation
Video 28 Janvier 2015

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Sur la page d'hommage à Jean Sommet,l'Amicale rappelle la carrière de Jean Sommet qui fut capitaine de corvette lors des dix années de sa carrière maritime passées en Extême Orient à bord du bâtiment amiral de la force navale que la France entretenait en ces parages lointains de 1935 à 1945.

http://amicaledesretraitesogreah.e-monsite.com/pages/hommages-a-nos-collegues/2020-hommages-collegues/jean-sommet.html

Page publiée le 21 Octobre 2020

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Date de dernière mise à jour : 2020-10-21

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